Catalogne. Jordi Cuixart : « Je suis un prisonnier politique, pas un politique emprisonné. »

MEMORANDUM #4

Le procès de 12 dirigeants activistes politiques et sociaux catalans se poursuit à la Cour suprême espagnole à Madrid. Ces dirigeants ont été arrêtés en octobre 2017 et plus de 500 jours plus tard, ils sont toujours incarcérés sans possibilité de mise en liberté sous caution, les accusations ayant déjà été rejetées par des tribunaux belge, allemand et suisse. L’Espagne a permis au parti d’extrême droite VOX de rejoindre l’État dans les poursuites judiciaires, preuve irréfutable de la politisation de ce procès.

Jordi Cuixart est le président de l’une des plus grandes organisations à but non lucratif d’Espagne, Òmnium Cultural (160 000 membres). Il a témoigné devant la Cour suprême le 26 février 2019. Il est un homme d’affaires, il préside fièrement une entité de la société civile très reconnue qui a été fondée pendant les 40 ans de dictature franquiste pour protéger les institutions, les droits et la culture de la Catalogne.

Il ne devrait pas être jugé devant la Cour suprême, car un procès de cette nature est réservé aux élus, et Jordi Cuixart n’a jamais été élu. De plus, en le jugeant là-bas, le gouvernement espagnol a bloqué son droit constitutionnel de faire appel. Il est accusé de sédition, de rébellion et d’association de malfaiteurs pour l’organisation d’une manifestation pacifique à Barcelone le 20 septembre 2017. Le Procureur a demandé une peine de 17 ans d’emprisonnement.

Jord Cuixart a expliqué à la Cour que, puisqu’il n’avait commis aucun des crimes dont il était accusé, son arrestation et son incarcération injuste ne pouvaient s’expliquer qu’en cherchant à le réduire au silence en tant que militant social et défenseur des droits humains. Il a d’ailleurs souligné que « Je suis un prisonnier politique, pas un politique emprisonné. » Des organisations de de défense des droits de l’homme et notamment Amnesty International, l’Organisation Mondiale Contre la Torture et Front Line Les défenseurs ont tous appelé l’Espagne à le libérer immédiatement.

Jordi Cuixart a déclaré: « Après 500 jours de prison, ma priorité n’est pas de sortir, mais de dénoncer l’attaque et l’affaiblissement de nos droits en Catalogne et dans toute l’Espagne. » Pendant que la Catalogne assistait à l’afflux de 10 000 policiers espagnols dans des bureaux de vote le 1er octobre 2017 pour mettre fin à un référendum d’autodétermination, frappant brutalement des électeurs pacifiques avec des matraques alors qu’ils faisaient la queue pour voter, faisant 1 000 blessés (comme l’ont montré les premières pages des grands journaux dans le monde le lendemain), Jordi Cuixart faisait également référence à des violations des droits de l’homme dans toute l’Espagne, telles que la fameuse « loi bâillon » (Ley Mordaza, loi de sécurité citoyenne), qui a envoyé en prison des rappeurs espagnols et des utilisateurs de Twitter, tandis que les auteurs et compositeurs sont également poursuivis pour leurs écrits. Jordi Cuixart a appelé à « plus de démocratie », soulignant que les affirmations de certains responsables de Madrid selon lesquelles l’état de droit était au-dessus de la démocratie sont fausses, alors que l’état de droit n’est que l’un des piliers de la démocratie, allant de pair avec la liberté et l’égalité devant le droit, en de ce fait, que le droit soit censé protéger les droits des citoyens.

Il a également dit au juge: « Si vous me demandez de renoncer à l’exercice de mes droits fondamentaux, je vous dis que je ne renoncerai jamais à l’exercice de mes droits fondamentaux. Je ne peux pas et je ne le ferai pas. « 

Olivier Peter, avocat de M. Cuixart spécialiste dans les droits de l’homme, a récemment déclaré lors d’une table ronde organisé pendant du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies à Genève que ce procès politique « est construit sur les ruines des droits fondamentaux. » Il a également déclaré que « les prisonniers doivent être acquittés et libérés immédiatement et que la communauté internationale ne peut fermer les yeux sur la détention arbitraire de dirigeants politiques et activistes sociaux », appelant à une pression internationale pour que l’Espagne change de cap suite à l’augmentation récente des poursuites contre les dissidences politiques, « au profit de toute la société civile, car cette répression a un effet dissuasif sur la société civile en Catalogne et dans toute l’Espagne ».

Comme le montre ce procès politique, la question qui se pose est de savoir s’il s’agit d’un procès juste ou d’un procès instrumentalisé. Le sens même de la démocratie en Espagne est mis à l’épreuve.

 

Illustration : 

A gauche : Jordi Sanchez, prisonnier politique, président de l’ANC

A droite : Béatrice Riand, dont le premier roman s’intitule « J’aurais préféré Baudelaire heureux », le premier et le dernier chapitre se passant en Catalogne.

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