Retracez-nous, Clotilde, comment fonctionne l’Espace Culturel Assens ?

(PAR SEVE FAVRE)

 

Clotilde Wuthrich est collaboratrice pour les expositions et chargée de la communication depuis 12 ans. Elle est en charge du commissariat des expositions pour cette année 2020. Elle répond ici à nos questions au nom du comité de l’Espace culturel Assens.

Fondé par Janine Lanfranconi au sein de la ferme familiale située au cœur du Gros-de-Vaud, L’Espace culturel Assens réalise depuis 22 ans trois expositions d’art par année, accompagnées d’événements tous publics tels que des lectures, concerts, conférences ou performances. Régulièrement, il met en place un parcours d’art en paysage dans la campagne environnante.

L’Association de l’Espace culturel Assens est une association à but non lucratif animée par une équipe de bénévoles

L’Espace culturel Assens est connu pour ses expositions mais limitées à la belle saison. Quelles sont les raisons de cette temporalité ?

L’Espace culturel Assens se trouve dans la grange d’une ancienne ferme vaudoise. Sa rénovation, qui a notamment permis d’aménager un espace d’accueil, a laissé tels quels les grands volumes du premier étage. La grange a ainsi gardé tout son charme mais elle ne permet pas d’exposer des œuvres en automne et en hiver. Nous ouvrons généralement de début mai à fin septembre. Cela permet à nos visiteurs et visiteuses – qui viennent parfois de loin – de profiter aussi de la campagne environnante à la belle saison.

La conduite de l’Espace dépend d’une association. Quels sont ses rôles et ses buts?

L’Association s’est donné pour but, avec l’aide de ses collaboratrices et collaborateurs bénévoles, de promouvoir la vie culturelle d’Assens et sa région. Son activité est d’ailleurs reconnue par l’association de la Région du Gros-de-Vaud (association de communes du district). Par ailleurs, notre association s’est promis d’exposer simultanément et dans la mesure du possible des artistes confirmé·e·s et des jeunes talents provenant de diverses communautés linguistiques de Suisse et de l’étranger.

Comment tirez-vous parti de la situation campagnarde de l’Espace culturel pour sa promotion auprès du public ?

C’est vrai que c’était un vrai défi d’ouvrir en 1998 une galerie d’art à la campagne, dans une région à l’écart de la scène artistique et des grands réseaux touristiques. Et pourtant Janine Lanfranconi, épaulée à l’époque par Katia Nüsslé-Pajak y sont arrivées, notamment grâce à l’instauration des parcours d’art en paysage qui ont tout de suite su tirer parti des qualités du Gros-de-Vaud : un cadre magnifique pour se balader, se resourcer, se dépenser seul·e comme en famille… Depuis 2003, chaque édition du parcours prend pour point de départ l’Espace culturel Assens pour égrener ses œuvres – des sculptures et des installations – dans la campagne environnante durant tout un été : dans la forêt, le long des champs et de la rivière ; ou même, il y a quelques années, dans les temples d’une trentaine de villages du Gros-de-Vaud. Ce sont des parcours qui ont beaucoup de succès car, ne présentant aucunes difficultés physiques, ils plaisent à des publics variés et permettent aussi de sensibiliser à l’art des personnes qui n’iraient pas spontanément dans une galerie ou un musée.

 

Il y a deux ans, l’Espace Culturel Assens fêtait ses 20 ans. Est-ce qu’un fil rouge relie toutes les expositions organisées par l’Association ?

Dans sa très belle introduction à notre catalogue de l’exposition anniversaire de nos 20 ans, Françoise Jaunin écrivait à juste titre que notre programmation durant ces 20 années fut foisonnante, avec des propositions et des expressions riches et variés. Nous avons exposé des artistes de tous les domaines, plutôt suisses – pour des questions pratiques et financières-, certain·e·s bénéficiant d’une certaine renommée, d’autres tout a fait émergent·e·s. L’ADN du lieu serait donc plutôt à trouver dans les mots d’Emile Gardaz, lui aussi enfant de ce Gros-de-Vaud, et que notre fondatrice affectionne tout particulièrement: La culture n’est pas élitaire. Elle appartient à tous comme la fleur des champs. En plus d’une exigence de qualité des propositions, c’est donc peut-être un principe de générosité et d’accueil qui est à la base du projet, comme en témoignent les missions que s’est données l’association, tournée vers des valeurs de transmission, de démocratisation de l’accès à l’art, et de convivialité. L’art a tant à faire pour la société, ce serait dommage qu’il soit seulement élitiste !

 

Comment votre parcours de formation vient enrichir et épauler votre travail de commissaire d’exposition ?

Chaque membre du comité met ses compétences à profit de l’association. Personnellement, j’ai été formée à l’histoire de l’art puis à l’anthropologie de l’art à l’Université de Lausanne où j’ai réalisé mon doctorat en 2016 qui portait sur les arts visuels actuels de La Havane, Cuba. Mon parcours témoigne d’un intérêt pour l’art contemporain suisse et étranger mais aussi d’une attention portée aux interactions, aux rencontres, aux échanges sur le terrain, ce qui colle parfaitement à un lieu culturel comme celui d’Assens. J’adore m’entretenir avec les artistes que nous allons exposer, parler avec elles et eux de leur travail, tenter de restituer leur démarche en les présentant lors des vernissages ou de visites guidées. En tant qu’anthropologue de formation, je pense que ce sont les artistes qui sont les expert·e·s de l’art beaucoup plus que les chercheuses ou les chercheurs, en tout cas d’une autre manière, et j’apprends beaucoup à leur contact.

Votre programmation est plutôt axée sur des expositions collectives. Quelles sont les raisons associées à ce choix ?

Nous réalisons, en effet, le plus souvent des expositions collectives d’au minimum trois artistes. Comme nous avons à cœur de promouvoir aussi des artistes émergent·e·s, nous aimons exposer de jeunes artistes avec des plus connu·e·s afin que les premier·e·s puissent bénéficier de la renommée des second·e·s. Nous fonctionnons en comité donc le choix et la sélection des artistes s’effectue normalement de manière chorale, à partir des propositions de chacun·e. Ensuite, si chaque membre de l’équipe a ses compétences spécifiques, nous mettons toutes et tous la main à la pâte à chaque étape : la conception, la réalisation et l’accrochage des expositions se font de manière collective, avec les membres, les artistes, les bénévoles. Les artistes qui exposent chez nous font preuve le plus souvent de beaucoup d’engagement. Les acrochages collectifs sont des moments passionnants, ponctués  aussi par des repas pris ensemble devant la ferme, sous le tilleul…

Depuis quelques années, j’ai reçu carte blanche pour organiser régulièrement, seule ou en binôme, des expositions collectives de promotion d’un art suisse émergent : à ces occasions, plus d’une dizaine d’artistes occupent à chaque fois l’espace avec des propositions un peu différentes de celles dont sont habitués nos publics. Mais elles semblent à chaque fois bien reçues par nos visiteurs et visiteuses et à la fois nous permettent d’approcher de nouveaux publics peut-être plus jeunes et plus urbains. La prochaine de ce type aura lieu cet été (on croise les doigts !) : intitulée Ruines et Pixels elle sera consacrée à la photographie et à la céramique contemporaines et accueillera 12 artistes suisses.

Nous sortons aujourd’hui petit à petit d’une période de fermeture complète des institutions culturelles. Comment planifiez-vous la suite de la saison à Assens?

Nos expositions de la saison, au nombre de trois, devaient démarrer en mai et nous ne savons pas encore quand nous pourrons réellement les mettre en place et si nous arriverons à tout réaliser dans un délai restreint. Au delà des questions sanitaires et des nouvelles conditions d’accueil du public à mettre en place actuellement, tout événement nécessite un important travail en amont de communication et de construction qui prennent du temps, dépendent des nouvelles disponibilités des artistes et de nos bénévoles – tout doit être réorganisé et l’avenir paraît encore très incertain, du point de vue du développement de la pandémie du COVID-19 mais aussi des comportements des publics dans les semaines et les mois à venir. C’est en tout cas un très bon exercice pour apprendre à lâcher prise et vivre au jour le jour, quand les événements sont indépendants de votre volonté ! C’est aussi l’occasion de penser notre rôle en tant qu’institution – même toute petite – vis-à-vis des artistes et des autres professionnel·le·s avec lesquel·le·s nous travaillons et qui sont globalement durement touché·e·s par cette crise.

 

Durant toutes ces années, quel rôle a joué l’Espace culturel Assens pour la région lausannoise et au-delà ?

A un niveau régional c’est un acteur social et culturel important et la responsable de l’Espace est membre de la commission culture et tourisme de l’association régionale du Gros-de-Vaud. En 22 ans, notre lieu aussi su faire sa place en Suisse romande et au delà, comme en témoignent nos nombreux·ses habitué·e·s suisses alémaniques. Je pense que cette reconnaissance est due au bon équilibre trouvé dans le positionnement du lieu vis-à-vis de ses publics : en proposant des expositions de qualité, pointues mais pas élitistes,  avec une adresse faite à des publics variés, autant connaisseurs et que non initiés à priori, qui se sont réellement sentis appelés par nos propositions qui sont généralement amenées, il est vrai, plutôt de manière conviviale.

Des activités spécifiques s’associent à vos expositions. Quel impact ont-elles sur la fréquentation du l’Espace culturel Assens ?

C’est certainement aussi en croisant les genres que nous avons gagné la fidélité d’un public très varié et le succès des parcours d’art – qui mêlent balade bucolique et découverte de l’art contemporain – en est certainement la preuve. Dans le même sens, chacune de nos expositions est ponctuée d’événements et de ce qu’on aime généralement appeler aujourd’hui des projets de médiation, à l’attention de tous les publics, et des plus jeunes aux plus agé·e·s. La musique s’y plait beaucoup par exemple (les granges ont une excellente acoustique !) mais absolument tous les autres arts ont été invités chez nous… y compris les arts circassiens.

 

Illustrations :

Crédits photographiques:

(1) Julien Raemy (Neuf Artistes à l’oeuvre, 2013)

(2 et 3) Amelie Blanc (Coïncidences, 2015 et Ça Cartonne, 2018)

 

(A) Première photographie : Julien Raemy

(B) Deuxième photographie : Amélie Blanc

 

http://www.espace-culturel.ch/index.php/fr/

 

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