Le «Journal du Valais», une folie éphémère

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(PAR LE TEMPS, LAURENT NICOLET, LE 14 AOÛT 2006)

Lancé en 1977 pour contrer le «propagandisme» du «Nouvelliste» d’alors, le JDV vivra un an.

«Il faut être fou!» Décembre 1978, le Journal du Valais (JDV), né un an plutôt, se lance dans une pathétique et désespérée campagne de réabonnements pour trouver la force de souffler sa première bougie. «Il faut être fou!», c’est, le 11 décembre en une, le cri du conseiller national Vital Darbellay, l’oncle de Christophe, et une «des trente personnes de tout bord» à l’origine du projet.

Un quotidien neutre

«Eh bien, oui! s’exclame Darbellay, il faut être fou: nous le sommes et, circonstance aggravante, ce n’est pas la première fois.» Folie, en effet, que cette tentative de créer face à un Nouvelliste sectaire, arrogant, propagandiste et enchaîné au parti majoritaire, le PDC, un quotidien strictement apolitique, prônant les faits et la réflexion. Pour échapper, comme l’écrit toujours Darbellay, «à la tutelle, j’allais dire à la dictature d’un seul homme qui fait plus facilement la pluie que le beau temps». Allusion au directeur-rédacteur en chef du Nouvelliste, André Luisier.

Le 14 décembre, l’aventure s’achève pourtant avec une dernière une: «Rideau!» Une aventure qui avait commencé, pour les lecteurs, en septembre 1977 au Comptoir de Martigny, avec la publication, contre tous les usages, d’un numéro zéro -trois mois avant la parution officielle- qui présente le projet ainsi que la rédaction, et lance la campagne d’abonnements.

«Notre journal», explique alors le président du conseil d’administration, Raymond Vouilloz, «ne sera le porte-parole d’aucun parti, d’aucune idéologie, d’aucun magistrat.» Une banalité, mais, dans le contexte valaisan de l’époque, une véritable révolution.

Le billet d’Othon

A la une du premier numéro, le 1er décembre 1977, comme pour rassurer ou parodier tout à la fois, un billet religieux, dont Le Nouvelliste, approvisionné par les chanoines de Saint-Maurice, s’était fait une spécialité. Sauf que là, le sermon est signé par le curé de Monthey, l’abbé Othon Mabillard, surnommé Othon le rouge, qui s’en prend à la tiédeur conforme du paroissien valaisan de base: «Chez nous, le meilleur chrétien, n’est-ce pas celui qui ressemble à tous les autres, qui ne se fatigue pas à changer l’ordre établi et qui voit en chaque adversaire un ennemi et en tout prophète un gauchiste?» Et d’asséner en conclusion: «On ne saurait être chrétien sans sillonner les rives de l’imprudence.»

Mais une mauvaise fée s’est, semble-t-il, penchée sur le berceau. Le journal accumule les problèmes techniques, le rédacteur en chef, Jean-Pierre Charles, jette rapidement l’éponge. Autour du vétéran Sylvain Maquignaz, la rédaction est jeune et inexpérimentée, composée d’universitaires à l’aube de leur vie professionnelle et qui connaîtront ensuite des fortunes et des carrières diverses: Jean-François Lovey, aujourd’hui chef du Service de l’enseignement à l’Etat du Valais, Fernand Mariétan, président de Monthey et éphémère conseiller national, Jean-Michel Bonvin, qui a intégré la cellule communication du groupe Mutuel après avoir été le correspondant valaisan de plusieurs journaux lémaniques, ou encore Eric Balet, aujourd’hui directeur de Téléverbier.

Pendant ce temps, Le Nouvelliste fête ses 75 ans, «avec un faste royal, l’une des plus grandioses manifestations d’à-plat-ventrisme», JDV dixit, et se gausse de son modeste confrère, lui reprochant sa neutralité supposée fade, son manque de caractère et de profil affirmé.

Fernand Mariétan répondra dans un éditorial: «Que voilà un reproche significatif lorsqu’il émane d’un journal qui confond le service d’information avec la table des dix commandements.» En juin 1978, un coup très dur avait été porté au JDV: l’imprimeur du journal, le haut-valaisan Mengis, avait brusquement cessé sa collaboration, dans ce qui s’apparentait à un petit complot du Valais bien-pensant pour étouffer le nouveau-né.

Trente ans plus tard, la malédiction semble se poursuivre: le Réseau des bibliothèques de Suisse occidentale (RERO), qui vient de recenser la presse romande depuis ses origines – prétexte de cette série estivale -, a oublié dans son catalogue le Journal du Valais. Patron de la médiathèque cantonale, Jacques Cordonier se gratte la tête et constate: «C’est en effet un oubli, un simple oubli.»

Oublié, le JDV l’est effectivement, avec pourtant une importante victoire posthume: aujourd’hui, Le Nouvelliste n’est plus très loin de fonctionner selon les principes mêmes définis à l’époque par son modeste et éphémère concurrent.

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