De quoi sont-ils les noms ces magistrats qui jamais ne se récusent
Le tribunal fédéral a donc dû mettre le holà à une situation procédurale qui dégénérait par un arrêt interdisant à une magistrate de statuer dans une procédure dans laquelle le procureur était un homme avec qui elle vivait. Franchement énoncé, il est proprement inconcevable que ces deux personnes n’aient pas considéré comme évident un empêchement qui saute aux yeux de tout un chacun. Il est de même inimaginable que cette affaire ait été portée jusqu’au tribunal fédéral.
Mais alors de quoi cette cause est-elle le nom ?
Une erreur serait à mon sens de considérer que la situation serait en quelque sorte unique et appartiendrait seulement à l’institution judiciaire fribourgeoise. Des liens étroits, peut-être pas charnels, existent dans les cours de justice. Et dans ces situations, qui ne doivent pas impliquer nécessairement des coïtus interruptus ou non, il est de bon sens que les deux magistrats impliqués, à tout le moins l’un d’entre eux, se dérobe à sa fonction et juge en son for intérieur qu’apparence de partialité il y a. Et celle-ci peut aussi exister dès l’instant où un juge est trop proche non seulement d’une partie mais également d’un ou de plusieurs avocats.
Mais, par cet orgueil incommensurable qui peut habiter chacun d’entre nous, ces magistrats, confrontés à ces situations, décident trop souvent de penser en leur âme et conscience que leur nature impartiale est tellement impartiale qu’elle ne saurait jamais être jugée même en apparence comme partiale.
Et, l’expérience aidant, on sait, de certitude absolue et non pas par hypothèse déviante, que ces magistrats, ainsi soupesés, ne vont jamais d’eux-mêmes se récuser et, s’ils le sont, acquièrent la certitude que jamais ils ne seront déjugés s’agissant de leur impartialité personnelle.
Et c’est, me semble-t-il, la raison pour laquelle ces deux magistrats fribourgeois, l’une juge, l’autre procureur, perdant tout contact avec le bon sens et le sens de la justice qu’ils sont censés rendre tous deux, l’une dans l’acte de jugement, l’autre dans l’acte d’accusation pour défendre la société civile, dérivent vers leur certitude, hors de tout doute, selon laquelle leur impartialité est si légendaire qu’ils ne seront pas même touchés lorsque la partie adverse est leur épouse, leur époux, leur concubin, leur concubine, leur amie, leur ami.
Et les justiciables concernés ne sauront jamais que leur cas aura été jugé dans une apparence de partialité qu’ils ne pourront deviner, sauf catastrophe judiciaire, telle celle qui a conduit à l’arrêt précité rendu récemment par le tribunal fédéral.
Les juges seraient bien inspirés de considérer avec sérieux leur propre (im)partialité dans chaque situation et parfois de s’incliner devant leur conscience intime qui les pousse à l’insu de leur plein gré à refuser de statuer surtout s’ils le font pour soutenir un être proche d’eux, dans un métier ou dans un loisir.
Le summum auquel un avocat a été confronté est peut-être cette double situation dans laquelle un procureur a classé une cause dans laquelle le prévenu était un second procureur, ce dernier devenant le rédacteur d’une autre ordonnance de classement au bénéfice du premier nommé.
Cet arrêt du tribunal fédéral, si la justice fonctionne, devra déboucher sur plusieurs décisions de récusation ou de révocation par lesquelles l’institution dira que la justice est chose sérieuse et qu’elle ne saurait être rendue dans un état d’apparence même réduite de partialité.
Et comme le dit avec tant de douceur le tribunal fédéral « indépendamment d’une prévention objective ».