Histoire de Moshé
Histoire de Moshé
Un homme très pauvre n’a dans sa masure qu’une seule pièce qu’il partage avec sa femme, ses cinq enfants et sa belle-mère. Appelons-le Moshé.
Cette histoire, nous pouvons tout aussi bien la commencer d’une autre perspective, et dire : une femme très pauvre ou un enfant très pauvre, même éventuellement « une belle-mère très pauvre ». Mais ne tergiversons pas : toute histoire a besoin de respecter des lois très précises de triangulation et de fixer le terrain d’où partiront désormais toutes les mesures.
Acceptons donc de voir ce que nous allons voir par les yeux de Moshé, l’homme très pauvre – et par ses yeux seuls.
Cet homme très pauvre souffre de ce tohu-bohu incessant autour de lui, le bruit des voix, de la vaisselle heurtée, des zizanies, des aigreurs de la pauvreté. Il souffre et donne à sa souffrance de plus en plus d’attention, c’est dire de plus en plus d’énergie. Peu à peu sa souffrance devient si puissante qu’elle tire tout à elle. Omnivore, elle transforme tout ce que l’homme mange et boit au cours de la journée en sa propre nourriture. Elle prospère. Elle envahit tout. La pièce devient de plus en plus ténue, de plus en plus étroite – et la souffrance déborde par toutes les fenêtres, pousse de flasques rhizomes jusqu’au bout de la cour et de la ruelle. Enfin la pression de la souffrance est telle que l’homme se décide à faire la seule chose sensée : aller demander conseil au rabbin.
Déjà à raconter toute sa misère lui vient comme un ébahissement d’y avoir survécu si longtemps et comme un apaisement à l’idée d’avoir forcé l’estime du saint homme.
Mais l’homme à barbiche reste placide sous ses besicles que brouille la buée du samovar.
« As-tu quelques poules dans ta cour ? »
La question n’atteint pas Moshé.
Elle est si loin de lui, si abstruse qu’elle forme comme un entrelacs de syllabes vides – et ti-ta-ta et ta-ta-ti – comme celles que mâchonnent les mouflets dans leurs comptines.
Le rabbin la répète : « As-tu quelques poules dans ta cour ?»
Et voilà que soudain elle éclabousse tout en lui de sa boue comme un lourd pavé jeté dans une mare – et les vagues soulevées sont de détresse ! Voilà que cet homme à qui il a ouvert son cœur lui parle… de poules !
Il s’entend répondre :
« Oui, pour les enfants, pour les œufs… cinq ! en avons cinq, je crois.
– Eh bien, rentre chez toi et installe-les dans la pièce où vous vivez. »
Le rabbin a ôté ses besicles et le regarde. « Et n’oublie pas de revenir dans une semaine ! »
Cette invite, Moshé effondré ne l’a plus entendue – mais quelqu’un en lui l’a certes entendue puisqu’une semaine plus tard il soulève le heurtoir de la porte du rabbin et le laisse lourdement retomber.
« Me revoilà, rabbi ! »
Son regard est hagard, comme empli du chambardement d’un poulailler à l’instant où la fouine s’y glisse. Dans ses yeux, duvets, pailles salis de fiente, tout vole en tous sens dans un acide et piaillant désordre de meurtre.
« Je n’en peux plus, rabbi ! »
Le rabbin le fait asseoir, lui verse un verre de thé.
Ils se taisent. Avec aux tempes le tic-tac de l’horloge qui fait plus de bruit à moudre le temps que les blutoirs et les claquets du moulin proche !
« Rabbi, je n’en peux plus. »
En portant le thé à ses lèvres, il se brûle et pousse un cri.
Un peu de thé brûlant sur un centimètre carré de peau et tout est oublié ! Que sont ces souffrances insoulevables qu’une autre souffrance dissipe illico : une seule gorgée de thé brûlant ! Esquisse de sourire du rabbin qui se tait. Il cherche dans le mur au fond des yeux de Moshé la fissure qui sauve mais ne la trouve pas.
D’une voix sourde, il articule sa question.
« As-tu une chèvre, Moshé ? Dans ta cour, as-tu une chèvre ? »
L’homme désespéré s’entend répondre :
« Oui, rabbi, pour le lait ; pour le lait des enfants, nous avons deux chèvres.
– Eh bien, rentre chez toi et installe-les dans la pièce où vous vivez. »
Moshé veut parler – mais comme dans les cauchemars, la voix lui manque. Il est trop tard ; la porte s’est refermée derrière lui sur les derniers mots du rabbin :
« … dans une semaine. »
Huit jours plus tard, il est à nouveau devant la porte.
C’est un vieillard. Ses yeux sont au fond des orbites comme des bêtes malades qui ont trouvé refuge au fond de leur tanière.
Mais dans les quelques pas qu’il a franchis en traversant le vestibule, le rabbin a cru déceler comme une légèreté.
« Pas trop bien dormi tous ces jours, hein, Moshé ! »
Moshé le regarde comme surpris de son aménité. Une hésitation.
« Tu me demandes si j’ai bien dormi toutes ces nuits ? »
Un vacillement ; et puis quelque chose se met à rouler dans sa poitrine ; un grondement sourd comme lorsque l’eau des torrents monte et met en mouvement des blocs de pierre. Oui, comme un éboulis de roches. Et voilà que monte un rire, un rire qui enfle, qui déferle, qui emporte tout sur son passage. Oui, Moshé est pris dans la tornade d’un rire. Et son rire ébranle tout : et le bien et le mal et le oui-oui et le non-non et la peur au ventre et la résignation et le râle et les plaintes et emporte les masures de ce shetl miséreux avec la maison du bain et la maison de prière – et jusqu’aux besicles du rabbin qui volent à travers la pièce !
Il peut se faire parfois que la pâle raison des humains soit balayée par le vent de folie de Dieu – et que l’homme puisse alors entrevoir – ô le temps pour une porte de s’ouvrir et de se refermer – la lumière de la Shekina derrière les apparences – et c’est ce qui était arrivé à Moshé.
Les dernières paroles lui parviennent de derrière sept collines :
« Il est temps de rentrer chez toi et de chasser de ta maison et les poules et les chèvres ! »
Et même les tout derniers mots courent derrière lui comme des cabris et le rejoignent :
«… dans une semaine ! »
Huit jours plus tard, Moshé est devant la porte du rabbin.
Radieux.
Il semble que tous les démons juchés sur ses épaules depuis le début des temps se soient donné le mot pour descendre de leur perchoir.
Il avance comme un homme jeune. Ses articulations ont des ressorts neufs et son pas est souple, léger.
« Rabbi, dit-il, depuis que j’ai chassé les poules et les chèvres, chez moi, c’est le paradis. »
(Christiane Singer, Éloge du mariage, de l’engagement et autres folies, extrait)
J en reste tapis volant !
Pourquoi je me sens accoudé au bar du Titanic ? Il serait la terre ; architectes changes en oligarques . Eux changes en généraux …
Esprit qui est tu ?
Je ne connais pas Christophe Darbellay ….
Et un juif créa l antisémitisme …
De la cote d un homme Dieu fit la femme .
Une pomme enfanta deslors d un serpent ?
Mais un jour celui ci s en mordit la queue ; le temps si !
L aliénation des individus est une logique de guerre ! L extrême droite et ses mentors même imbri
ques dans des rôles politiques : police ; autres en ont connaissance ! Alors le net en plus …
Ils détruisent les enfants .l idée !