12 juillet 2025

« Quand la vérité n’est pas libre, la liberté n’est pas vraie » (Jacques Prévert)

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Sport

Bahamontès, l’Aigle qui domptait les cieux

Il ne pédalait pas, il s’élevait. Federico Martín Bahamontès n’a jamais été un simple cycliste : il était un phénomène, une fureur espagnole, une silhouette affûtée comme une lame lancée contre la pente. Quand la route s’élevait, lui s’envolait. Les autres grimpaient. Bahamontès planait.

Né en 1928 dans la Castille ravagée d’après-guerre, il est fils de la misère et forgeron de sa propre légende. Il n’avait rien pour devenir champion, sinon la rage de s’extraire de la poussière, la haine des limites et la grâce sauvage des grands insoumis. Federico n’était pas un homme du peloton. Il était l’Aigle de Tolède, un rapace solitaire qui dévorait les cols les plus redoutables d’Europe comme d’autres dévorent les pages de la gloire.

En 1959, il entre dans la légende en remportant le Tour de France. Premier Espagnol à conquérir la plus prestigieuse des courses. Mais il ne le fait pas comme les autres. Il attaque, il explose, il déraille, il revient. Il monte comme personne avant lui, sec, animal, vorace. Six fois meilleur grimpeur du Tour. Une dynastie dans les cimes. Un mythe sur deux roues.

Il n’aimait pas rouler sous la pluie. Il n’aimait pas descendre. Il préférait s’arrêter manger une glace au sommet plutôt que risquer une chute. Un jour, il le fit. Le peloton le regardait comme on regarde un fou. Il s’en moquait. Bahamontès courait pour les cieux, pas pour la foule.

Il était incontrôlable, incontrôlé, imprévisible. Un homme de caractère, de colère, de panache. Il ne cherchait pas à plaire. Il cherchait à vaincre. Il détestait l’injustice, exécrait les ordres, adorait le combat.

Et pourtant, même les montagnards les plus endurcis le regardaient avec respect. Car Bahamontès n’avait pas besoin de flatter qui que ce soit. Il avait conquis les sommets avec ses mollets, ses poumons et son âme. Il avait inscrit son nom dans les lacets des cols, dans les vertiges de l’histoire.

Il est mort en 2023, à 95 ans. L’Espagne a perdu un héros. Le cyclisme a perdu un poète brutal. Mais les montagnes, elles, se souviennent encore. Elles gardent le souvenir du vent qui portait un maillot blanc à pois rouges et d’un regard noir fendant la brume.

Federico Bahamontès n’était pas de ce monde. Il venait de la pente, de la douleur, de la liberté. Il était un cri d’altitude, un feu dans les jambes, un mythe en danseuse.

Et les sommets l’attendent encore.

Stéphane Riand

Licencié en sciences commerciales et industrielles, avocat, notaire, rédacteur en chef de L'1Dex (1dex.ch).

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