JOURNALISME. LA COCOTTE DE LA MÉMÉ DE CAMILLE KRAFFT


De quoi Camille Krafft est-elle le nom ?

Pendant des années, à peu près depuis la préhistoire, si l’on veut être un peu précis on dira depuis l’arrêt Bosman, Christian Constantin est entré dans la petite histoire du journalisme de la Suisse romande. On ne va pas ici parcourir les médias et démontrer l’invasion par CC de la presse romande. Cette multiplication d’articles, de photographies et d’images du président du FC Sion a entraîné comme par magie la création d’une cohorte de courtisans médiatiques. Certains journalistes sont même devenus des laquets serviles de celui que l’on compara bien vite à l’empereur romain patronyme, puis à Bonaparte, à Napoléon aussi, avant que lui-même ne songe à devenir Dieu ou Elvis.

Cette multiplication des pains a été attisée par une absence stupéfiante de recul journalistique. Très rares sont ceux, de la presse, qui peuvent avec fierté faire état de tentatives d’analyses un peu courageuses sur les excès du personnage, dont les frasques, les penchants et les ressources ont été soigneusement occultés. Tout au contraire, le journaliste du Valais et d’ailleurs a préféré mettre en lumière les exploits successifs de mercenaires sportifs que l’on associa au dirigeant, comme si les courses échevelées de footballeurs en réussite n’avaient été mues que par l’esprit présidentiel. Christian Constantin entra dans le champ des intouchables, le procureur général lui-même préférant l’utilisation de la prescription à celle de la sanction.

Et puis, voilà qu’un matin de mai, un dimanche, à peu de jours d’un vote décisif sur les Jeux Olympiques, une journaliste, une femme, pas n’importe laquelle, le Prix Dumur 2017, sans que rien ne la destinât à cette tâche, décida de peindre dans le détail la méthode de domination instaurée par l’Ayentôt le plus célèbre. Camille Krafft se pencha sur la chose, analysa les éléments du puzzle, décortiqua les aspérités, rassembla les faits, interrogea les gens et visita en Octodure l’empereur.

L’idée magistrale de Camille Krafft, qui devait donner tant de brillance au tableau final, lui fut soufflée à l’insu de son plein gré, par Christian Constantin lui-même. Ulcérée par la « cocotte » que lui lança Cri Cri d’amour au moment où elle s’apprêtait à déguster des asperges blanches, dame Krafft eût pu se rebiffer, quitter la table et exiger de sa rédactrice en cheffe de se consacrer à un autre reportage. Mais, au contraire, elle décida, à ce moment décisif de sa rencontre avec l’objet de son tableau, d’utiliser à bon escient la cocotte.

C’est quoi, une cocotte :

* Une cocotte, une marmite souvent en fonte destinée à la cuisson des aliments
* Une cocotte-minute, aussi appelée autocuiseur
* Une cocotte prostituée de luxe sous le Second Empire, en France.
* Une cocotte désigne la pièce qui relie les leviers (frein/embrayage) au guidon d’une moto.

Dans les moments décisifs d’un match de football, il faut savoir exploiter le cuir de la bonne manière et ne pas laisser passer sa chance de battre l’adversaire. Si Camille K. avait été trop blessée d’être assimilée à une fille de joie du Second empire, elle eût été cet avant-centre qui, seul devant le gardien, s’encouble et rentre au vestiaire sous les huées de la foule. Mais, à la Porte d’Octodure, Camille, la forte, reçut l’aide de sa grand-mère. Elle pensa à tous ces succulents plats mijotés par sa mémé dans une cocotte en fonte noire. Et elle décida d’écouter l’insultant et de placer tous les aliments informatifs qu’elle reçut, l’un après l’autre, dans la magnifique cocotte mentale dont lui fit don à ce moment précis sa grand-maman Emma.

Après le repas, Camille K. se rendit chez Ariane D. et demanda plus de temps de cuisson : « Tu sais, je dispose d’ingrédients excellents, mais ceux-ci nécessitent, pour être parfaits au goût, de macérer et de mijoter un peu plus. Mais, fais-moi confiance, le mets sera inoubliable ».

Sans cocotte, on ne conduit plus la moto, et sans cocotte, on mange des aliments crus. Camille K. ne pouvait envisager de manquer la cuisson de cette assiette qui la conduirait dans le Michelin de la presse.

Lorsqu’elle souleva le couvercle de la cocotte et qu’elle huma les odeurs du plat qu’elle avait imaginé, la cheffe de rang sut qu’elle serait bientôt étoilée, et que ses invités ne l’oublieraient jamais.

Camille Krafft a redonné de la noblesse à sa profession, un peu comme ce cuisinier qui reprend un petit café à la mauvaise réputation et le conduit jusque dans le Gault et Millau.

« Et, minute, Cocotte, écoute-moi, avant d’écrire n’importe quoi ! » Mais, ne sais-tu pas, Christian, qu’un grand chef écoute toujours ses marmitons ?

Bonjour à tous ceux qui voudraient réapprendre à faire des oeufs au plat !

 

Référence :

CAMILLE KRAFFT, LA COCOTTE ET CRI CRI D’AMOUR

Stéphane Riand

Licencié en sciences commerciales et industrielles, avocat, notaire, rédacteur en chef de L'1Dex (1dex.ch).

3 pensées sur “JOURNALISME. LA COCOTTE DE LA MÉMÉ DE CAMILLE KRAFFT

  • 29 mai 2018 à 8 h 54 min
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    Oui, absolument un bon article, écrit avec brio et efficacité. Camille Krafft a le don de l’écriture. Dans la description détaillée du contenu, elle sait garder une objectivité relevante sans se faire séduire par de faciles hypothèses tendancieuses d’interprétation, si fréquentes aujourd’hui dans le journalisme vite fait. En fin une excellente journaliste! r p

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  • 29 mai 2018 à 21 h 17 min
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    Magnifique plume, merci pour votre style une fois de plus efficace et tellement agréable à la lecture.

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