La Vie suprême de Alain Bagnoud et de Stéphane Besse

Une librairie, La Liseuse, Sion. Je m’adresse à un client qui parcourt le rayon des nouveautés littéraires : « Qu’est-ce qui décide à l’acquisition d’un livre ? ». La discussion s’engage : « Je ne fréquente plus les librairies sans savoir à l’avance ce dont j’ai besoin ». Je lui réponds : « Moi, c’est le contraire, mon guide, c’est l’instant présent ». Il poursuit : « Aujourd’hui, je suis venu pour acheter le dernier roman de Alain Bagnoud ». Je l’interromps : « Ah oui, je l’ai lu, son premier polar ». « Non, non, il ne s’agit pas du vengeur occulte, mais du suivant ». J’ai oublié le titre, mais de fil en aiguille, notre conversation se poursuivant, je lui dis que j’avais été très déçu de son traitement livresque de l’affaire Giroud, il me dit alors qu’il avait adoré « La Vie suprême », « un petit bijou », asséna-t-il. Et c’est ainsi que je me retrouvai après la séance de dédicaces de « Si vite que courent les crocodiles » en possession d’un exemplaire signé de la main de l’auteur.

 

Revisitant le mythe de Farinet, Alain Bagnoud nous invite à un plus grand voyage littéraire, celui qui nous mènera non seulement dans le Village valaisan sublimé, mais surtout dans le coeur et l’esprit de Stéphane Besse, un héros, le mien en tous les cas, d’une autre trempe que Farinet, ce lâche baiseur.

Si les Amis de Farinet n’ont peut-être pas apprécié le scénario imaginé par Alain Bagnoud, les amoureux de la littérature qui ne connaissent pas encore La Vie suprême doivent se précipiter sur ce « bijou » valaisan. Ce qu’ils découvriront dans ce petit roman, en sus de ces signifiants patronymes valaisans connus de tous, c’est une langue au service de deux âmes éternelles, celle du Village et celle de Besse, et au service de la Vie.

Et, ce n’est dira-t-on pas à moi de le relever, mais, comme Besse, je ne vais pas m’inquiéter du quand dira-t-on : un point commun relie « La Vie suprême » à « Si vite que courent les crocodiles », la langue française, maîtrisée jusqu’au plus infime détail, est au service des intentions des deux auteurs. À la nécessité d’emmener le lecteur dans la tête de Besse répond celle de le prendre par la main en galopant dans les traces de cette adolescente au bord du suicide.

Je disais il y a peu que le Valais peut regarder Saint-Germain-des-Prés droit dans les yeux. Et le succès magistral de Sarah Jollien-Fardel ne doit pas faire oublier les réussites littéraires similaires, quoique non commerciales, de Nicolas Couchepin, Alain Bagnoud, Yves Gaudin, Jétôme Meizoz [La Malencontre], Michaël Perruchoud [Sa Préférére] ou d’une autre Ayentôte, Béatrice Riand [J’aurais préféré Baudelaire heureux].

L’écriture est un sacerdoce pour celles et ceux qui, jour après jour, corrigent, améliorent, gomment, ajoutent, polissent leurs écrits. Et il n’est peut-être pas si étonnant que dans ce pays si marqué par le sceau du curé et de la religion que l’écriture puisse constituer un espace idéologique de reconfiguration des âmes.

En cela , qui sait, Stéphane Besse peut être un héros valaisan au capital symbolique plus éternel que celui d’un faux-monnayeur peu galant.

Bonjour à tous les auteurs valaisans.

 

Alain Bagnoud, La Vie suprême, Éditions de L’Aire, Vevey, 2020

Stéphane Riand

Licencié en sciences commerciales et industrielles, avocat, notaire, rédacteur en chef de L'1Dex (1dex.ch).

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