Le Nouvel Hollywood

(Par Jade Riand)

C’est l’un des mouvements cinématographiques qui changera drastiquement la production et la conception de films. Qui s’affranchira d’un Code Hays démodé. Un mouvement qui donnera naissance à de nombreux réalisateurs incontournables tels que Francis Ford Coppola, Martin Scorsese, Brian de Palma et aux fameux blockbusters consommés par tout un chacun aujourd’hui. Plongeons-nous dans le Nouvel Hollywood.

              Ce mouvement cinématographique trouve ses racines aux Etats-Unis entre la fin des années 60 et le début des années 80. Grâce aux inspirations du Néoréalisme italien et de la Nouvelle Vague française contestatrice, le New Hollywood s’inscrit dans le courant de la contre-culture. En effet, il rejette les thèmes traditionnels mâchés et remâchés du cinéma classique pour s’intéresser à d’autres thématiques, s’affranchissant de toutes conventions. La corruption, la sexualité et la violence trouvent ainsi une place nouvelle sur l’écran. De plus, il est intéressant de souligner que le Nouvel Hollywood émerge en même temps que le scandale de Watergate et que l’intervention au Vietnam à laquelle le Nouvel Hollywood est farouchement opposé. Cela explique donc la mouvance très à gauche de ce mouvement symbolisant une renaissance d’une société américaine désirante de lutter pour les minorités ethniques et les femmes.

              Ce qui a aussi permis l’essor du New Hollywood, en plus de son public plus jeune, plus instruit et plus engagé politiquement, c’est cette nouvelle génération de cinéastes, internationalement reconnus aujourd’hui, qui a émergé durant cette période. Woody Allen, Steven Spielberg, Georges Lucas…. Les cinéastes de cette époque détiennent pour la première dans l’histoire du cinéma une véritable culture cinéphilique ainsi qu’une formation universitaire. Pour ces raisons, les réalisateurs du Nouvel Hollywood souhaitent dépasser les cinéastes classiques dont ils ont appris les codes lors de leur formation en proposant quelque chose de nouveau, de fondamentalement inattendu… Ainsi, le montage devient discontinu, des ralentis puis des jump cuts apparaissent à l’écran. Cette liberté formelle vient aussi du fait que ces cinéastes devaient, dans leur début, créer des films avec très peu de budget et se voyaient donc forcer d’innover, de rentabiliser autrement la caméra.

              Pour raconter correctement l’histoire du Nouvel Hollywood, n’importe quel narrateur se retrouve forcé de mentionner Bonnie & Clyde d’Arthur Penn, paru en 1967. En effet, ce film culte est considéré comme l’un des premiers succès du Nouvel Hollywood. C’est un film qui brisera à sa sortie de nombreux tabous cinématographiques. La peau transpirante est dénudée, la violence exaltée. Ce film narre la cavale du couple de bandits Bonnie et Clyde, interprétés par Faye Dunaway et Warren Beatty, des figures incontournables du star system. Cette production rend compte de l’enthousiasme de son époque ainsi que de son désir de voir à l’écran des figures moins manichéennes que traditionnellement. A sa sortie, Bonnie & Clyde provoquera une grande controverse où l’on verra s’affronter les anciens contre les nouveaux.  Et c’est avant tout la fin et sa scène finale qui choquera l’époque par sa violence, inégalable auparavant à l’écran. En effet, le spectateur ne visionne pas un duel fairplay d’un western ou un happy ending traditionnel, mais l’assassinat froid et démentiellement violent de deux corps qui ont été les protagonistes, valorisés pendant leur cavale, tout au long du film. Les balles sont mitraillées sur Bonnie et Clyde qui n’auront même pas le temps de se rendre compte de leur sort.

              Martin Scorsese est lui aussi une figure qui débutera sa longue carrière lors du Nouvel Hollywood. En cela, il est intéressant de le présenter plus en détail. Scorsese fréquentera la même école que De Palma, Spielberg et Lucas, avec qui il collaborera sur de nombreux projets. Cependant, le cinéma de Scorsese se singularise dans sa représentation constante d’une collectivité d’hommes où la morale catholique (défaillante) tient une place fondamentale, puisqu’elle doit être concise avec la violence intrinsèque de ces hommes. Ses acteurs sont eux aussi des figures emblématiques du Nouvel Hollywood : Robert De Niro, Harvey Keitel, des acteurs formés à l’Actors Studio ou à la méthode Lee Strasberg. Les protagonistes crées par Scorsese sont avant tout des hommes usant de la violence comme affirmation de soi, ils évoluent dans une communauté italo-américaine à la fraternité viril – généralement misogynes – et restent imprévisibles et toujours en équilibre entre la folie et la raison.

LONDON, ENGLAND – OCTOBER 13: (EDITORS NOTE: Image has been digitally manipulated) Al Pacino, Martin Scorsese and Robert De Niro attend « The Irishman » International Premiere and Closing Gala during the 63rd BFI London Film Festival at the Odeon Luxe Leicester Square on October 13, 2019 in London, England. (Photo by Mike Marsland/WireImage)

              En définitive, le Nouvel Hollywood restera pour tout cinéphile une période de profond renouvellement qui s’essayera à divers pratiques filmiques, diverses conceptions du cinéma. Le Nouvel Hollywood s’est rêvé engagé, désinhibé par sa jeunesse. Il tentera de briser les barrières rigides entre professionnels des studios et amateurs et atteindra enfin les hautes sphères de l’Art. Cependant, le revers de cette reconnaissance sera la capitalisation qui prendra place aux Etats-Unis sur la création filmique. L’ère du mainstream apparait avec une production de masses et l’industrialisation filmique qui prendra place après la sortie de Les Dents de la Mer par Spielberg en 1975…

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