JOURNALISME. COCOTTE ET CRI CRI D’AMOUR




Parmi les femmes de la Suisse romande, je plaçais jusqu’à aujourd’hui Coco, la dessinatrice de Vigousse, la rescapée de Charlie Hebdo, au pic de l’éthique politique. Elle est rejointe ce dimanche par Camille Krafft, journaliste et enquêtrice du Matin Dimanche.

Avant la sortie de L’1Dex du 1er décembre 2016, elle avait déjà attiré mon intérêt par un remarquable reportage sur l’intégration administrative et sociale des réfugiés dans notre pays. Geneviève Lévine travaillait alors déjà depuis plusieurs semaines sur la vie d’une famille syrienne en Valais. Camille Krafft, sans le savoir, nous avait encouragés à persévérer pour faire comprendre à la Cité les étapes, parfois douloureuses, de cette nouvelle vie dans une région inconnue.

Et puis, la voilà, celle que Cri Cri d’amour appelle Cocotte, tenter de décortiquer au plus près ce qu’elle croit être le système Constantin. Ceux qui, comme moi, ont expérimenté au plus près la méthode de l’empereur octodurien (Néron a incendié Rome), ne seront surpris ni du ton utilisé par la journaliste, ni par la forme du discours, ni par le contenu et le nombre des exemples fondant la thèse retenue. Tout au plus, dira-t-on, que l’on a pu, un bref instant, regretter que l’auteure de l’article ait ignoré la clémence dont la Rue des Vergers a fait preuve envers Napoléon et Elvis Presley, qui a bénéficié d’une prescription pénale de 15 ans, lors de la « faillite » du FC Sion de décembre 1997, qu’elle n’a obtenu aucun mot de Pierre-Alain Grichting, le nouveau président de la BCV, et qu’elle a « oublié » l’épisode phénoménal lié à l’affaire UEFA et Celtic Glasgow. Mais la démonstration de la nature du personnage est par ailleurs si épaisse, si macérée, si épicée, si décapante, qu’apparaissent aux lecteurs en substance toute la crudité du choucroutier, la voracité financière d’un grand prédateur et la triste incivilité de l’homme qui gagna à lui tout seul 13 Coupes de Suisses et un peu moins de championnats.

Voici donc une sacrée cocotte, une sorte de Pulitzer de l’Helvétie, qui ose affronter en terre d’Octodure le [prétendu] dominant des dominants. Qui, d’emblée, marque la psyché de la dame : « Cocotte ». CC se la joue à la Ramos, une clef de bras pour la cocotte, qu’il devine peut-être aussi rusée que Salah, l’ailier des Reds, qu’a démonté le Sergio de Madrid. La mouche observatrice se dit alors que dame Krafft, suffisamment mouchetée, va la jouer à la mode coeur tendre. Et CC, qui veut être sûr de son coup, n’oublie pas de préciser sa pensée par quelques SMS ouatés et feutrés.

Mais l’intellectuelle qui pense n’envisage pas d’être assimilée à celui qui se ferait déborder par un con galopant.

Alors, la dame enquête au plus proche des faits, elle guigne jusqu’aux recoins, elle ne veut pas être prise en défaut, elle va donc de vérification en vérification, elle épousette ce qu’elle doit faire briller et fait « briller » le personnage qu’elle sculpte avec sa plume acérée, imagée et terriblement affûtée. Le lecteur croit que c’est fini, que toutes les méchancetés vraies auront été dépiécées, puis déployées dans toute leur amplitude, et bien, non, la voici reprenant l’encrier, mouillant le bec de sa plume et reprenant le fil d’une histoire largement honteuse.

« Cocotte » sera reçue par d’aucuns comme une simple marque d’affection, ceux-là mêmes qui accepteront que Néron caresse les seins d’une femme enceinte devant le père du prochain nasciturus. Personne, dans l’assemblée, pour s’offusquer de ces mains baladeuses se jouant de l’intimité de celle qui n’est pas même digne de dire non. On respecte l’empereur en terre octodurienne.

Camille Krafft est au-delà du courage lorsqu’elle pointe, dans un souci éminemment éthique, ce journalisme d’une infinie servilité, qui accepte de n’être que l’enregistreur de l’empereur romain. Un seul coup de fil et voilà la bonne parole du président du FC Sion traverser la Romandie hors de toute déontologie journalistique. Ce que L’1Dex énonce, avec force exemples depuis sa création, apparaît en toutes lettres dans l’édition dominicale du plus important média écrit de la Romandie. On ne demandera pas ici à Nicolas Jacquier, à Stéphane Fournier, à Christophe Spahr ou aux journalistes sportifs de la RTS ce qu’ils pensent du reportage de la Cocotte : il y a si longtemps qu’ils ont cessé de penser.

Le lecteur découvrira lui-même dans ce cahier collector les autres déviances de la [prétendue] 7ème fortune du Valais, ce bétonneur hors catégorie qui aime tant Maurice Chappaz et qui verse presque une larme en pensant à Ella Maillart. On comprend alors pourquoi les dominants de la Planta et du Grand-Pont n’ont pas hésité à lui donner leur confiance jusqu’au moment où le fessier de Rolf Fringer n’a pas supporté la délicate caresse reçue de la chaussure de l’homme qui n’imaginait pas que ce geste si romantique puisse le faire expulser du comité d’organisation de Sion 2026.

Hier, Camille Krafft a choisi de cuisiner un grand poulet, presque une dinde, qu’elle a partagée chez elle tout près de Romainmôtier, accompagnée de petits pois (elle adore comme moi les petits pois) et de frites allumettes. Elle n’a pas été avare en vin et a ouvert les deux dernières Mouline de Guigal qui lui restaient. Elle a souri lorsque ses invités en choeur lui ont dit : « Santé, Cocotte ! »

Bonjour à tous ceux qui aiment le vrai journalisme !

Référence : CAMILLE KRAFFT, LA COCOTTE ET CRI CRI D’AMOUR

Stéphane Riand

Licencié en sciences commerciales et industrielles, avocat, notaire, rédacteur en chef de L'1Dex (1dex.ch).

6 pensées sur “JOURNALISME. COCOTTE ET CRI CRI D’AMOUR

  • 28 mai 2018 à 19 h 09 min
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    La remarquable enquête sur le système Constantin dans 7 pages du Matin Dimanche le 27 mai 2018 démontre, si besoin était, que le Prix Jean Dumur 2017 est mille fois mérité pour son auteure Camille Krafft.

    Il fallait qu’un Jour une telle analyse – pertinente et libératrice – soit diffusée dans un média extérieur très lu en Valais car Le Nouvelliste est trop proche de l’Empereur de Martigny pour produire un tel document.
    Il faut ici bien préciser que Vincent Fragnière et son équipe ont accordé un temps de parole particulièrement équitable aux opposants aux JO.

    Cette enquête fouillée va certainement contribuer à une conception de l’aménagement de notre territoire plus durable, plus respectueuse et plus humaniste ; de nombreux citoyennes et citoyens de tous bords et de tous milieux le réclament de plus en plus fortement et ouvertement.

    Cette enquête restera une des références dans un difficile combat que le Valais ne peut pas se permettre de perdre.

    Merci donc à Camille Krafft journaliste d’investigation !

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  • 28 mai 2018 à 21 h 10 min
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    On ne se remet pas d’un portrait pareil. Non parce qu’il serait la cause d’une disgrâce, mais parce qu’il …

    DEMAIN, A L’1DEX !

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  • 29 mai 2018 à 7 h 55 min
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    Une grande leçon pour le Nouvelliste et ses journalistes, à des milliers d’années lumière de Camille Krafft. Favre, Darbellay, quelques autres choucrouteurs ouvriront peut-être un peu les yeux (on peut rêver).

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  • 29 mai 2018 à 7 h 58 min
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    Une grande leçon pour le Nouvelliste et ses journalistes, à des années lumière de Camille Krafft. Favre, Darbellay et d’autres choucrouteurs ouvriront peut-être un peu les yeux (on peut rêver).

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  • 29 mai 2018 à 8 h 52 min
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    Je suis opposé aux Jeux et n’apprécie guère les pratiques de Christian Constantin mais je suis d’avis qu’on pourrait aussi écrire 6 pages sur les méthodes de cette Camille Krafft.

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    • 30 mai 2018 à 15 h 53 min
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      Ce commentaire mériterait un poil plus de développement, sous peine de souffrir d’une stérilité totale…

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