RAW SHOTS #3 – Gerardo

Pour voir l’article de présentation du projet, et la première vidéo, c’est par ici: https://1dex.ch/2020/02/raw-shots-1-gaspar/#.XjW4pS17RQI

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Cette vidéo est la troisième du projet. J’y rencontre Gerardo Quispe, un travailleur des mines du Cerro Rico qui a 30 ans. On le suit dans les mines, au cœur de la montagne, jusqu’à son lieu de travail.

Durant mon voyage en Amérique du Sud, je suis passé par la Bolivie, et notamment par Potosi, qui, du haut de ses 4070 mètres, est la plus haute ville du monde. Le Cerro Rico (littéralement : le mont riche) surplombe la cité dont il est l’emblème. L’histoire de ses mines d’argent, par ailleurs encore exploitées à ce jour, reste l’attrait principal pour les touristes. La Bolivie étant un des pays les plus pauvres d’Amérique latine, il est naturel que plusieurs agences locales aient décidé de proposer des tours guidés à l’intérieur des mines, aux côtés des mineurs, étant pour leur part en pleine journée de travail. Curieuse attraction où se côtoient les clichés-souvenirs des touristes occidentaux (dont je fais partie) et les quotidiens des travailleurs, payés, au mieux, trente dollars la journée. Ce voyeurisme institutionnalisé me dérangeait, il s’avérait d’autant plus que les agences qui disaient reverser une partie de leur profit pour l’éducation des mineurs ne le faisaient soi-disant pas.

Cependant, la problématique m’intéressait, j’ai donc décidé d’aller sur place pour parler avec des mineurs : le Cerro, en tant que zone de travail informel, est libre d’accès. J’observai ainsi que contrairement à ce que l’agence locale m’avait certifié au préalable, il y avait bel et bien des travailleurs mineurs, donc de moins de 14 ans. J’en rencontrai un petit groupe, d’abord méfiants (car en dessous de 14 ans un mineur est officiellement interdit), puis acceptant de me dire leur âge, qui allait de 10 à 14 ans. D’ailleurs, on remarque dans la vidéo (à 5min45 environ) que le mineur hésite, lorsque je lui demande quel âge ont les plus jeunes travailleurs de la mine: il acquiesce ensuite que certains sont trop jeunes. Tout cela reste néanmoins une réalité informelle dont on s’accommode à Potosi.

Arrivé donc à l’embouchure d’une mine, j’y rencontre d’abord 3 travailleurs, en pause, puis Gerardo. Il accepte de m’y emmener, me prête un casque et une lampe, et m’invite à le suivre. Dans la mine, les conditions de travail sont difficiles. Elles le sont physiquement, car tout le minerai est, comme dans la vidéo, extrait à la main. Mais la pression est surtout mentale, car la peur de rester bloquer est omniprésente. En effet, les accidents tragiques sont relativement fréquents ; Gerardo en parle, dans l’interview.

La condition informelle de ce travail empêche une réelle mise en place de politique de sécurité, d’autant plus que l’entreprise, à laquelle les mineurs sont dépendants, et qui collecte les kilos d’argent, refuse toute responsabilité en cas d’accident ; ils ne font, en somme queracheter de la matière première. Cette dynamique ultra-libérale engendre une forte dépendance au prix du kilo d’argent : il suffit donc que l’économie aille mal pour mettre au chômage les 4000 travailleurs quotidiens Cerro. Il va sans dire que, comme pour la décharge de M’beubeuss au Sénégal, fermer la mine aurait des conséquences désastreuses pour l’économie de la vie, qui s’est construite sur cette économie ; c’est un cercle vicieux.

De Potosi, la matière première s’en va en direction du Japon, d’après les travailleurs, et ce pour former des composantes de micro-électronique.

1dex.ch

Réalisation: Luca Gillioz

Lien vers la vidéo YouTube:

https://www.youtube.com/watch?v=-SS6EbTh8h4&feature=youtu.be

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