Atlas historique(s) de Suisse

(PAR PIERRE JEANNERET [DOMAINE PUBLIC])

 

Il n’y en avait pas depuis des décennies et voilà qu’en quelques semaines, deux atlas historiques de la Suisse sont publiés presque simultanément. Alors que celui de Marco Zanoli et François Walter est sorti ce 16 novembre,  les Vingt et une cartes de l’an I à l’an 2001, signées par Christos Nüssli, paraissent sous forme de livre.

Ces cartes ont été publiées dès mars 2017 dans Passé simple, mensuel romand d’histoire et d’archéologie, avant d’être rassemblées, et ce bel ouvrage (21 x 29,7 cm) répond à un besoin. Son élaboration a été précédée par une profonde réflexion épistémologique, dont l’«Avant-propos» fait état. Il s’agissait de montrer, par une série de cartes accompagnées d’une brève synthèse historique, les transformations d’une région au fil du temps. Et notamment l’évolution des frontières.

Ce livre rappelle «que les entités politiques sont mouvantes, et souvent instables». Les cartes dessinées ici tiennent compte des inconnues et des approximations. Plus l’époque est ancienne, plus ces dernières sont nombreuses.

Les cartes se suivent à intervalles réguliers de 100 ans. Elles ne correspondent donc pas à des événements politiques ou militaires précis. Elles témoignent d’une évolution et de changements.

Pourquoi s’être restreint aux pays romands ? Parce qu’il n’était nullement inscrit dans leurs gènes qu’ils feraient partie un jour de la Confédération, dans laquelle ils ne sont entrés que tardivement – à l’exception de Fribourg.

De l’an I aux Burgondes, puis aux Francs

La carte de l’an I montre la romanisation de la région. Des colonies de vétérans sont créées à Nyon (Novodunum) et à Augst (Colonia Raurica), tandis qu’une série d’expéditions lancées entre l’an 15 et l’an 7 av. J.-C. par l’empereur Auguste, assure le contrôle du Valais, et donc du passage des Alpes par le Grand-Saint-Bernard.

En l’an 101, on constate un enrichissement de l’Helvétie romaine, qu’atteste notamment l’abondance des ruines à Avenches, privilégiée et honorée sous Vespasien. En 201, le «pays romand», qui fait alors partie de la province de Germanie supérieure, est sillonné de routes, tandis que des barques au fort tonnage favorisent aussi le commerce.

C’est l’époque des villae, entourées par un vaste domaine agricole, comme celle d’Orbe aux superbes mosaïques. Autour de 301, toute la région est menacée, et parfois dévastée, par les Alamans. L’instabilité s’accroît avec la multiplication des raids germaniques. En 501, l’ancien pays des Helvètes fait partie de l’État des Burgondes et devient évêché. Puis les Francs, vainqueurs des Alamans, annexent cet État burgonde.

VIIe, le siècle de la frontière linguistique

C’est au VIIe siècle que s’établit la frontière linguistique, qui restera assez stable pendant les siècles suivants. En 801, la future Suisse romande est englobée dans le «Royaume des Francs et Empire des Romains», établi un an plus tôt par Charlemagne. Le comté de Vaud apparaît pour la première fois dans les textes.

Entre 901 et 1001, le royaume de Bourgogne se forme et se place dans l’orbite du Saint-Empire. Le XIe siècle est caractérisé aussi par la concurrence entre le pouvoir ecclésial, censé émaner de Dieu, et les monarques civils. Le XIIIe siècle, lui, est notamment marqué par les Zähringen, qui fondent les villes de Fribourg et de Berne.

Mais le fait important est surtout la montée en puissance de la maison de Savoie, dont le comté s’étend au nord du Léman. Entre 1401 et 1501, l’alliance des Suisses, menée par les villes commerçantes de Berne, Zurich et Lucerne, constitue une puissance militaire qui écrase Charles le Téméraire lors de trois batailles successives.

À la faveur de ces victoires, Berne s’étend sur l’est vaudois. Puis, au XVIIe siècle, la république de Berne vient au secours de Genève, son alliée, contre les Savoyards, et en profite pour avaler tout le Pays de Vaud. Lors de ce siècle, les terres romandes sont soit alliées de la Confédération, soit sujettes. C’est aussi l’époque où, à Soleure, se négocient le prix et la quotité des mercenaires au service du roi de France.

…et le canton du Jura !

La carte de 1801 montre l’éphémère République helvétique de 1801, avant que l’Acte de Médiation, en 1803, ne crée un État fédéral de dix-neuf cantons. Ils sont vingt-deux en 1901. Entretemps, les Constitutions de 1848 et 1874, ainsi que l’industrie, la finance et l’essor des chemins de fer créent la Confédération suisse actuelle. Sauf qu’en 1979, elle s’est enrichie d’un nouveau canton romand. Et le Jura figure dans la dernière carte, celle de l’an 2001.

Accompagnées des textes de synthèse, ces 21 cartes, en couleurs bien sûr, sont d’une belle lisibilité et ne sont pas encombrées de détails superfétatoires. On y trouve l’évolution des frontières – particulièrement complexes pour la période du Moyen Âge féodal – mais aussi les divisions administratives, les villes, les axes routiers, bref, tout ce qui constitue la chair de cette histoire des pays romands, dont la succession des dates-clés n’en est que le squelette.

Christos Nüssli, Atlas historique des pays romands. Vingt et une cartes de l’an I à l’an 2001, Éditions Attinger, 2020, 64 p.

Marco Zanoli (cartes) et François Walter (textes), Atlas historique de la Suisse. L’histoire suisse en cartes, 2020, disponible dès le 16 novembre, 196 p.

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