FIN DE VIE D’UN CITOYEN DE LA SUISSE, L’UN DES PAYS LES PLUS RICHES DU MONDE

(PAR NARCISSE PRAZ)

1940

La « Mob »

N-R Zarp entre dans sa 11ème année d’existence.  En Europe, c’est la guerre. La Suisse mobilise ses soldats. Parmi eux les « pontonniers » dans les rangs desquels figure le citoyen Adrien Zarp, mineur de son état, à qui est dévolu de faire exploser les ponts sur le Rhin dans le cas où Hitler déciderait d’envahir la Suisse. Mobilisé à Sion, voici le soldat pontonnier Zarp embarqué à destination des rives du Rhin quelque part dans le canton de Thurgovie. Afin d’aguerrir sa troupe, l’officier de service installe son campement dans un « Mumpf » alias un marécage. Cata ! Durant la première nuit, les tentes prennent l’eau. Pas grave. On écope l’eau et l’on recommence la deuxième nuit. Nouvelle cata : le soldat pontonnier Zarp fait un accident vasculaire cérébral, un AVC. Toute la partie gauche de son corps ne répond plus aux injonctions de son cerveau : paralysie de la paupière gauche, de la partie gauche de sa bouche, de son épaule, de son bras, de sa jambe gauches. Pas grave aux yeux du génie militaire de l’officier de l’Armée suisse : emmener le soldat Zarp  vers un hôpital militaire ? Il consulte le soldat médecin de service. Décision immédiate : un ambulance militaire et voilà le soldat pontonnier Zarp ramené chez lui à son domicile, à 250 kilomètres du Rhin et rendu à sa femme et à leurs quatre enfants. Il est invalide. Et alors ? Alors quoi ? Rien. Normal. Pour ces deux officiers de l’Armée suisse, rien que du normal. Un médecin civil décrète l’AVC et l’invalidité du pater familias.

Trois jours plus tard, dame Innocente Zarp se fait embaucher au tri du charbon extérieur sur le terril de la mine de Chandoline près de Sion au tarif mirifique de 75 centimes de l’heure en équipe de nuit afin de pouvoir s’occuper de ses 4 enfants, l’aîné de 14 ans et la dernière née âgée de 4 ans. Dix heures par nuit à 7 francs cinquante de l’heure à raison de 10 heures par nuit. Ce bon docteur Coquoz  fait observer au couple que, tout de même, le soldat Zarp devrait bénéficier de l’Assurance militaire fédérale ? Avocat. Honoraires  à prélever de la paie de la mater familias. Procès. Perdu, le procès. Au nom de quoi ? L’avocat de l’assurance militaire suisse fait valoir en fait d’argument que, l’AVC étant survenu deux nuits et demi après l’entrée en service du soldat pontonnier Zarp, cela ne lui donne aucunement droit aux prestations de l’A.M.F. dont la loi dit qu’elles n’entrent en jeu qu’au terme du 3ème jour après l’entrée au service militaire. Il y manque donc 6 heures ! Pour cette lacune de SIX HEURES, la famille de feu Adrien et Innocente Zarp est plongée dans la misère, la vraie misère, la plus noire : celle d’un salaire de 75 centimes de l’heure à raison de 10 heures par nuit pour la survie de ses 4 enfants, le paiement des frais d’avocat et de procès, les frais médicaux du soldat invalide Zarp.

MERCI ! Oh MERCI, LA SUISSE !

Le futur citoyen suisse N-R. Zarp entre temps est entré dans sa 11ème année. Pistonné (façon de parler) par le curé de la paroisse de Nendaz assisté de l’Instituteur et futur grand-père d’un brillant Conseiller d’Etat  du canton du Valais, ainsi que par le Père salésien Henri Fournier de Beuson, alias le Père Sourire, il apprend que, à son insu, pendant qu’il venait de passer 4 mois comme petit berger dans un alpage à garder avec son « modzoni » leur troupeau de 180 génisses, au vu de ses bons résultats scolaires l’on lui avait attribué une prétendue vocation sacerdotale précoce et qu’il se trouvait « mobilisé » à son tour chez les Pères pédophiles salésiens dans un juvénat de Fribourg. Comble de délicatesse de la part surgit l’argument final déterminant :

–        Cela vous fera, Madame Innocente Zarp, UNE BOUCHE DE MOINS A NOURRIR !

             Et ça non plus, ça ne s’invente pas. Et voilà le futur citoyen N-R Zarp à l’âge de 11 ans recruté pour les 6 prochaines années au titre de « CHAIR À EJACULATION POUR PRÊTRES PEDOPHILES » au juvénat de Bonlieu à Fribourg.

             (Cf. Le pamphlet « Gare au gorille » Editions libertaires de France, an 2010).

Vacances scolaires de Pâques

1946

L’étudiant N-R. Zarp du Juvénat des Pères pédophiles salésiens de Bonlieu à Fribourg  fréquente depuis 2 ans le Collège St. Michel dans la section classique latin-grec langues. Il y est régulièrement, alternant avec son rival Dafflon la place de premier ou deuxième de leur classe. Il ne lui manque plus, simple formalité donc pour lui, qu’un seul trimestre avant le baccalauréat qui lui ouvrira les portes des universités romandes. Un commando d’ensoutanés composé du Père Henri Fournier de Beuson, recruteur de vocations sacerdotales précoces et Directeur du Juvénat de Bonlieu, du Père supérieur de la Congrégation salésienne et du Père Jean Morret, directeur de conscience et confesseur attitré de l’étudiant Zarp en a décidé autrement : l’étudiant N-R Zarp ne doit absolument en aucun cas avoir accès à une quelconque université. La raison en est simple : durant ces 6 années durant lesquelles il a joué le rôle de poupée non gonflable au profit du révérend Père surveillant Martin Clerc, personne au monde ne l’aurait cru s’il en avait rendu compte à ses parents ou autres confidents. Au contraire, s’il avait accès à une université où il pourrait s’engager comme étudiant en Lettres par exemple, tous ses dires deviendraient crédibles. Il est donc urgent de le renvoyer à ses parents illico presto. Ainsi sera fait dès le vendredi saint des Pâques de l’an 1946. Aussi sèchement que dit. Le Père recruteur Henri Fournier, natif du même village de Beuson, connaît parfaitement la situation de la famille Zarp, père encore et toujours invalide du fait de son AVC militaire, mère au chômage depuis que la mine de charbon de Chandoline a fermé ses portes, seul l’aîné de la famille, âgé de 20 ans pourvoit à la survie de la famille, l’aînée des deux sœurs cadettes étant âgée de 12 ans et la cadette de 10 ans. Résultat ? Trois jours après son renvoi sec et sonnant du Juvénat salésien et ipso facto du Collège St. Michel de Fribourg, l’adolescent N-R Zarp terminant sa 16ème année se fait embaucher, bien que encore mineur, se hâte de se faire embaucher comme manœuvre terrassier sur le chantier montagnard du futur barrage hydro-électrique de Cleuson au fond de la vallée de Nendaz.

MERCI, MADAME LA GLORIEUSE EGLISE CATHOLIQUE ! Que voilà une belle et bonne œuvre de charité accomplie. MERCI ENCORE ET ENCORE.

(Cf. « LUXURE ET CHÂTIMENT », 430 pages. Editions Slatkine, an 2018).

Et tout le reste de cette vie d’écrivaillon à la petite semaine et d’écrivassier du dimanche n’est que… littérature pamphlétaire destinée au pilon.

1993

Né le 5 septembre 1929, le citoyen suisse N-R Zarp, au terme d’une vie active mouvementée d’enfant de prolétaires montagnards valaisans,  ledit citoyen de la libre Helvétie en fait le bilan bassement matériel et apprend que dans quelques mois il aura enfin droit à son Assurance Vieillesse et Survivants, l’A.V.S. lui donnant droit à une rente mensuelle de 1311.—francs suisses pour tout potage en fait de subsistance. Il en fait le décompte. Il est propriétaire de sa petite maison natale sise dans les ravins en bordure du torrent de la Printse à Beuson-Nendaz ainsi que de sa vieille voiture achetée d’occasion. Après s’être acquitté de sa Caisse maladie, la Lamal helvétique, de 350.—francs par mois, de l’assurance incendie de sa maison ainsi que de celle de son véhicule, soit au total environ 120.—par mois il lui reste 230.—francs par mois pour vivre. Sur lesquels, le fisc lui en enlèvera une partie substantielle sous forme d’impositions diverses. Il en vient à la conclusion qu’il lui restera grosso modo une trentaine de francs par jour pour vivre. Or, vivre en Suisse avec une trentaine de francs par jour équivaut à pareille époque à se trouver réduit à s’en aller jouer de son accordéon à travers le canton avec un tabouret pour s’asseoir et un chapeau par terre pour recueillir les quelques francs et centimes d’oboles de la mendicité devant les banques et à la sortie des Migros et des Coop City. Merci, Maman Helvétie. Très peu pour le citoyen N.R. Zarp qui, depuis sa 30ème année de vie s’est assumé lui-même matériellement sans plus jamais dépendre d’un patron et encore moins d’un revenu stable de fonctionnaire ou d’employé de bureau d’une quelconque compagnie d’Assurances. Ainsi se trouve le citoyen suisse N-R Zarp condamné à l’exil économique en France où, grâce à sa participation à sa fameuse SECURITE SOCIALE pendant ses 4 années de vie à Paris il est bénéficiaire parce que sexagénaire  primo d’une retraite grandiose française de 17.—euros par mois, laquelle lui donne droit automatiquement à LA SECURITE SOCIALE GRATUITE !  Grâce à laquelle il fait l’économie des 350.—francs suisses de la rapace CAISSE MALADIE LAMAL helvétique !

Ainsi nanti, le libre citoyen suisse N-R. Zarp pourra vivre 9 années en France sans jamais quémander quoi que ce soit à la très prospère marâtre helvétique.

VIVE DONC LA FRANCE SOCIALE ! ET M… A LA SUISSE qui, dès la dixième année de vie de son futur citoyen N.R. Zarp a précipité toute sa famille DANS LA MISERE EXTRÊME en refusant à son père Adrien la juste assistance qu’il méritait de la part de l’Assurance militaire fédérale ! Et cela pourquoi ? Parce que pour la mériter il manquait SIX HEURES de présence dans sa tente inondée par les eaux putrides du marécage thurgovien où un crétin de capitaine de la glorieuse Armée Suisse avait contraint sa troupe à y camper afin de l’aguerrir, secondé par un médecin de la même Armée suisse abruti  de principes administratifs typiquement tudesques.

AN 2023

Le triste sire N.R. Zarp vient d’entrer, depuis le mois de septembre, dans sa 95ème année de vie.  Je suis, vous l’aurez compris, l’E-N…ergumène  N-R Zarp de la présente récapitulation de vie. Afin de ne pas transmettre à mon fils et à mes deux filles la lourde dette hypothécaire grevant ma maison, j’ai décidé de la vendre. Je fais mon bilan final :

–        Ma rente de 1780.—FR. par mois d’AVS se trouve intégralement bouffée par les 1250.—francs de mon loyer et ma cotisation de 425.—francs à la Caisse maladie.

–        Pour continuer de vivre modestement dans mes habitudes, j’ai besoin de 1.800.—francs par mois pour mes frais usuels de nourriture, chauffage, santé et pharmacie etc. dont 21.600.—francs par mois à prélever sur le fruit de la vente de ma maison.

Donc autant d’argent dont je priverai(s) mes enfants annuellement.

Mon jugement final est qu’à ce prix-là… JE ME COÛTE TROP CHER à MOI-MÊME en comparaison à la qualité de vie qui risque fort d’être la mienne. La question qui se pose dès lors est : le temps de vie qui m’est encore dévolu après mes 95 ans VAUT-IL CE PRIX-LÀ, au détriment de la jouissance que pourraient en tirer mes enfants ?

Dans ce moment crucial de ma fin de vie me revient en mémoire le poème d’Alfred de Musset dédié à la mort du Pélican :

Les plus désespérés sont les chants les plus beaux,
Et j’en sais d’immortels qui sont de purs sanglots.

La mort du pélican


**Lorsque le pélican, lassé d’un long voyage,
Dans les brouillards du soir retourne à ses roseaux,
Ses petits affamés courent sur le rivage
En le voyant au loin s’abattre sur les eaux.


Déjà, croyant saisir et partager leur proie,
Ils courent à leur père avec des cris de joie
En secouant leurs becs sur leurs goitres hideux.


Lui, gagnant à pas lent une roche élevée,
De son aile pendante abritant sa couvée,
Pêcheur mélancolique, il regarde les cieux.
Le sang coule à longs flots de sa poitrine ouverte ;
En vain il a des mers fouillé la profondeur ;
L’océan était vide et la plage déserte ;
Pour toute nourriture il apporte son cœur.


Sombre et silencieux, étendu sur la pierre,
Partageant à ses fils ses entrailles de père,
Dans son amour sublime il berce sa douleur ;
Et, regardant couler sa sanglante mamelle,
Sur son destin de mort il s’affaisse et chancelle,
Ivre de volupté, de tendresse et d’horreur.


Mais parfois, au milieu du divin sacrifice,
Fatigué de mourir dans un trop long supplice,
Il craint que ses enfants ne le laissent vivant ;
Alors il se soulève, ouvre son aile au vent,
Et, se frappant le cœur avec un cri sauvage,
Il pousse dans la nuit un si funèbre adieu,
Que les oiseaux des mers désertent le rivage,
Et que le voyageur attardé sur la plage,
Sentant passer la mort se recommande à Dieu.

Poète, c’est ainsi que font les grands poètes.
Ils laissent d’égayer ceux qui vivent un temps ;
Mais les festins humains qu’ils servent à leurs fêtes
Ressemblent la plupart à ceux des pélicans.
Quand ils parlent ainsi d’espérances trompées,
De tristesse et d’oubli, d’amour et de malheur,
Ce n’est pas un concert à dilater le cœur ;
Leurs déclamations sont comme des épées :
Elles tracent dans l’air un cercle éblouissant ;
Mais il y pend toujours quelques gouttes de sang.

Puis-je considérer ce poème comme mon Testament de fin de vie ? Ne le dois-je pas en réparation de mes lacunes paternelles et autres face à ma destinée? Telle est la question.

Une pensée sur “FIN DE VIE D’UN CITOYEN DE LA SUISSE, L’UN DES PAYS LES PLUS RICHES DU MONDE

  • 2 novembre 2023 à 10 h 18 min
    Permalink

    Tristesse infinie pour parcours de vie semé d’embûches inimaginables. Et un ciel Catholique est à sa porte!

    Et nos petites vies de déroulent paisiblement !

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