Tribune de Mahan Taraj à l’occasion de la journée de la femme

La journée internationale des droits des femmes est une occasion de porter un élan aux combats contemporains des femmes à travers le monde. Nous avons acquis en France une avancée formidable le 4 mars dernier avec le vote historique inscrivant l’IVG dans la Constitution. Mais n’oublions pas que le statut des femmes n’a pas évolué sur tous les terrains et a parfois même reculé dans le monde.

Ayant grandi et fait mes études à Lyon, je pense en particulier aux femmes de mon pays d’origine l’Iran, qui subissent un régime misogyne et profondément réactionnaire. Dernière attaque en date des mollahs à l’égard des femmes : leur parlement vient d’adopter une nouvelle loi intitulée « chasteté et hijab », tout un programme d’organisation sociale et de sécurité visant à réprimer les femmes.

Malgré l’univers sombre mis en place par les ayatollahs moyenâgeux en Iran, sans perspectives aucune, comment se fait-il que les Iraniennes soient devenues du fait de leur fabuleux courage une inspiration pour nous autres? qu’elles soient le fer de lance d’une lutte sans merci contre l’obscurantisme? Est-ce dû à un simple hasard, est-ce le fruit d’un déclic suite à l’assassinat de la jeune Mahsa Jina Amini en 2022 pour un voile mal porté ? Ou ce fantastique élan trouve-t-il ses racines dans l’histoire contemporaine de l’Iran ?

Signe des temps alors que le monde pensait que l’insurrection était à jamais réprimée, le régime des mollahs vient de recevoir une dure raclée du peuple iranien qui a éperdument boycotté une élection législative qui n’avait pour seul but que de redorer le blason d’un régime impopulaire et illégitime, en particulier après les tueries du soulèvement de 2022. Le peuple iranien a démontré qu’il est bien décidé à se débarrasser de ce régime, les femmes en premier.

C’est un constat, les Iraniennes ont un rôle prépondérant dans le combat pour le renversement de la dictature religieuse, c’est dire l’essence progressiste de la société iranienne. C’est ce qui explique une répression monstrueuse du pouvoir contre les femmes. En quatre décennies, des dizaines de milliers de femmes, de brillantes intellectuelles, des étudiantes, des lycéennes ont été violées, torturées ou exécutées pour avoir dit non au régime des mollahs.

Cette participation en masse des femmes à la résistance pour changer le système n’est pas un processus spontané et accidentel. Alors quelle est la source de cette audace des Iraniennes ?

Lors d’une rencontre exceptionnelle à Paris en amont de la journée internationale des droits des femmes, en présence de dizaines de femmes influentes du monde entier autour des résistantes iraniennes, à laquelle j’ai eu la chance d’assister, on pouvait déceler ce grand décalage entre l’anachronisme d’un régime appartenant au passé et une société branchée sur l’avenir.

Venant de divers pays et courants politiques, des figures marquantes se sont rencontrées pour manifester leur solidarité et leur sororité avec les Iraniennes: Ingrid Betancourt, Najat Vallaud-Belkacem, Michèle Alliot-Marie, la lauréate du Prix Nobel de la Paix la Libérienne Leymah Gbowee, l’ancienne Première ministre de la Finlande Anneli Jäätteenmäki, l’ancienne Présidente de la Lettonie Vaira Vïke-Freiberga, l’ancienne ministre afghane Nargis Nehan et de nombreuses parlementaires européennes et canadiennes…
C’est devant une assistance, à majorité féminine mais aussi en présence d’hommes qui soutiennent la cause, que l’emblématique présidente du Conseil national de la Résistance iranienne (CNRI), Maryam Radjavi, a lancé que « ce sont les femmes d’avant-garde qui mettront fin à la dictature religieuse. Briser le sort des inégalités n’est pas possible sans un bond en avant. Ce bond en avant est l’hégémonie des femmes, qui est d’autant plus nécessaire en raison de notre lutte contre une tyrannie misogyne, et leur participation active et égale au leadership politique ».

Il est utile de faire remarquer que les revendications des Iraniennes ne consistent pas à quémander des souplesses de la part des mollahs notamment en ce qui concerne le port du voile obligatoire. Mais il s’agit de renverser la culture et le système qu’ils ont imposés à la société. Ce combat ne date pas d’hier. Dès les premiers jours de la République islamique les femmes ont manifesté contre les obligations que le nouveau pouvoir ayant succédé à la dictature du Chah leur imposait.

Peu de gens connaissent le statut avant-gardiste des femmes au sein de la Résistance iranienne. Un exemple frappant est qu’au sein de la force principale de la Résistance, les membres du Conseil central de l’Organisation Moudjahidine du peuple d’Iran (OMPI) sont exclusivement des femmes. Elles occupent les postes de direction à tous les niveaux de ce mouvement.
Par ailleurs, la coalition du CNRI qui représente le parlement de la Résistance est composée de 56% de femmes.


A l’intérieur de l’Iran, le leadership des femmes dans les unités de résistance qui mènent des actions contre les centres de répression est remarquable, ainsi qu’il en ressort sur les publications diffusées dans les réseaux sociaux. Le soulèvement de 2022 était marqué également par l’influence significative des femmes.


La leader de la Résistance iranienne a affirmé sa conviction « qu’un jour, la vision de la femme comme objet de commerce deviendra un passé honteux de l’Humanité et chaque femme sera considérée comme une personne dotée de libre-choix, maître de toute son existence ».

Je ne peux qu’espérer cela pour l’Iran mais aussi pour le reste du monde.

Mahan Taraj

Juriste Franco-Iranienne, militante féministe

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