ELLE, MA DOUCE, MA TEMPÊTE

(PAR BEATRICE RIAND)

 

C’est dans le bar du Motel Paradise que je la cherche, elle, ma douce, ma tempête, aimée de Shakespeare et rêvée par Saint-Ex. Oui, là-bas, « dans l’estuaire au bout du fleuve », dans un lieu onirique « où il n’y a pas de hasard, que des histoires ».

C’est une mélopée lancinante que chante une voix de velours, qui se perd dans la gratte d’un sombre cow-boy, et cela vous écorche l’âme, cela vous renvoie à la nuit et à la pluie qui bat le pavé sans discontinuer, parce qu’ils sont si beaux, parce qu’ils sont si jeunes, parce que les oiseaux  ne meurent jamais.

Je la cherche, ma douce, ma tempête, à travers des tableaux qui s’enchaînent à un rythme qui me fait perdre le mien. Je la cherche, au milieu des imprécations de deux Italiens survoltés qui me renvoient à la Rome éternelle, un Canadien qui a égaré son caribou, et une citation de Corneille. Un duc de Milan au plumeau impayable, et sa femme à la voix de stentor, sans oublier leur fille, Jenny, à la fois serveuse nerveuse et princesse royale.

Je la cherche, oui, entre vieux bar frelaté et belle île désenchantée, entre modernité et classicisme, avec le destin de June qui se tisse en filigrane, funambule aérienne qui relie ces deux univers. Oui, ces lieux cachent un trésor, oui, le plus important est invisible … tous, ils savent maintenant qu’il faut protéger la lumière. Et puis Ariel chante, Clarisse chante, et met le feu. Entre deux flammes, j’aperçois la veuve MacMulligan, hiératique, et Josh, à l’énergie tripale, qui me la cachent, ma douce, ma tempête. Le fils du roi de Naples ignorait son texte, ignorait qu’il y avait un texte, mais comment ignorer les mots quand ils pleuvent sur vous et puis arrosent la rose alors que Chloé exige une dernière danse et Ed réclame son doudou.

Je la cherche encore, sous le costume extraordinaire d’un vieux yéti à la gestuelle que ne renierait pas Quasimodo, derrière les plumes d’un yogi athlétique aux dreadlocks bien vitaminées ou sous les bûches que l’esclave de Prospero laisse choir avec bonheur. Ed chante, Ed met le feu, encore, pendant qu’un parfait psychopathe rêve d’enfoncer des clous dans la tête de son ennemi.

Moi, je ne la trouve pas, je ne la trouve toujours pas, et je m’inquiète de la narratrice qui m’interpelle, oui, je sais, je sais, il ne faut pas laisser le silence s’installer dans le vide, sinon les gens le remplissent de ragots. Oui, je sais, je sais, toutes les étoiles sont fleuries, et je danse moi aussi, avec un chœur mi hawaïen-mi Mowgli.

Je ne voulais oublier personne, dire sans raconter, montrer sans dévoiler pour que tous aillent la voir, ma douce, ma tempête. La plus belle à mes yeux. Celle que je n’ai point nommée parce que je n’ai vu qu’elle.

Celle que j’aime à pierre fendre depuis qu’elle est née et qu’un hidalgo au talent fou a conduite aux portes du Paradis.

PS : Vous, les comédiens, me pardonnerez si d’aventure j’ai oublié quelqu’un, mais je n’oublie pas votre talent, à tous. Et puis votre engagement, votre belle énergie, et je sais, et vous savez, que durant ces mois vous avez grandi. Quant à vous, les parents, embrassez-les, tous, pardonnez-leur tout et toujours, parce qu’ils sont l’avenir, et ce que nous avons vu ce soir nous permet d’espérer.

PS 2 : Ambre, la vieille âme de la famille mais la plus jeune en âge, résume cette soirée en quelques mots : Maman, je ne me suis pas ennuyée une seule minute, c’était fantastique, un spectacle total. Tout est dit, chapeau les artistes !

PS 2 : Marie, ta scénographie est divine sous les lumières.

PS 3 : Motel Paradise ne ressemble pas à Station Horizon. La troupe du LCC mène la RTS un à zéro.

 

3 pensées sur “ELLE, MA DOUCE, MA TEMPÊTE

  • 4 mai 2019 à 9 h 13 min
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    Mme Riand a voulu exprimer quelque chose ? Dieu que c’est gnian-gnian !

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    • 4 mai 2019 à 13 h 04 min
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      eh non, bien vu ! ça me donne droit à une réduction du prix de l’abonnement ?

      Répondre

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