Rendez-vous avec Martina Chyba

Rendez-vous, rendez-vous…

… chante Stromae, tous les hommes sont des mauviettes infidèles, n’est-ce pas, tous les mêmes et y’en a marre.

Martina Chyba aurait pu le dire. Elle l’aura sans doute pensé, un soir de désespoir, et alors, comme Taïro, nous le propose, discutons de nos désaccords, les filles. Nos désaccords avec la gent masculine. Ou la vie elle-même.

Martina discute, oui. Avec nous. Et peut-être que c’est nous, son plus beau rendez-vous. Nous, les copines qu’elle ne connaît pas mais qui meurent d’envie d’être sa Sixtine parce qu’elle ressemble furieusement à notre Séverine. Nous. Les vieilles filles de nos mères, les mères désorientées par nos adolescents sur le départ, les quincas fragilisées par ce foutu temps qui passe et nous casse. Ou pas.

Alors on fait une liste. Comme Martina, on n’aime que les fleurs blanches et on déteste être apprêtée. On est parfois trop cérébrale parce qu’on est lettreuse. On a mal au crâne, comme elle, quand on boit un verre de vin mais on adore le potage aux courges et la tarte aux abricots (valaisans, les abricots). Sans oublier les séries médicales, parce qu’elles soignent les insomniaques de leur folie du contrôle. Et qu’on ne peut pas tout contrôler même si les adultes ne sont rien de plus que de vieux enfants, avec des frustrations de sales gamins. On aime aussi l’art parce qu’il guérit de toutes les incertitudes. On aime enfin l’amour parce qu’il sauve le monde et autant l’avouer franchement, oui, on aurait préféré que Francesca n’envoie pas son photographe valser Sur la route de Madison.

Et on aime ce Rendez-vous parce que l’écriture est efficace, la plume alerte et diablement incisive.  Mais pas que. Non. Martina nous embarque parce qu’elle ignore la langue de bois, et toutes les femmes y reconnaîtront un brin (ou un bras) de leurs propres galères. Mères de famille esseulées qui souquent pour ne pas sombrer trop vite dans la déliquescence de l’âge mûr (parce qu’il faut bien se recaser, hein !), célibataires libres de toutes entraves qui fuient une solitude trop rosse sur les sites de rencontre ou encore filles orphelines qui tentent de se trouver sur le divan d’un thérapeute. Martina Chyba décrypte donc toutes nos misères en décrivant les siennes, du périnée distendu à l’haleine de morte-vivante des lendemains qui déchantent, mais en évitant de sombrer dans le misérabilisme. La distance (et non la distanciation) s’inscrit en effet dans une lucidité teintée d’humour. Parce que rire de soi, c’est se rire de tout. Et parce que vieillir pour vieillir, autant l’accepter avec une élégance douce-amère, mais sans pour autant renoncer à lutter.

Lutter pour un job qui nourrisse les gosses, lutter pour un toit ou pour un toi, lutter contre un ventre qui s’affaisse ou une paupière qui s’effondre. Cela fait beaucoup, c’est ce que fait la femme au quotidien. La femme est une lutteuse professionnelle, oui, Messieurs. Ce livre n’est pas un livre sur la sororité, mais il s’adresse à une sororité parfois désarçonnée parce que la jeunesse online, hyperconnectée et hypercritique, (qui rêve de lui piquer sa place et peut-être son mec) lui reproche, les yeux levés vers le ciel, d’être trop genrée, et donc hétéronormée ou pénétro-centrée, au choix, et par là piteusement réactionnaire. D’où l’urgence de la thérapie, pour se souvenir de qui on est, accepter de lâcher-prise, accueillir les rides en toute liberté mais sans les figer, et surtout, semer la peur en chemin. Parce que la vie est le chemin même si elle nous mène vers un piège mortel.

Rendez-vous, rendez-vous, chante Stromae. Oui, il est plus que temps de se rendre à l’évidence et d’oublier ce qui ne va pas pour célébrer ce qui va bien. Et chercher à notre tour ce bonheur que Martina a trouvé sur les marches du Sacré-Cœur. Alors on ne lâche rien, les filles, on y croit, merci et à bon entendeur !

Une pensée sur “Rendez-vous avec Martina Chyba

  • 7 décembre 2022 à 16 h 58 min
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    Nous, les cons

    J’avais dix ans elle de même,
    Moi le gentil elle qui m’aime,
    Je la moque et elle rigole,
    Je la pince mon monopole,
    De sa confiance je m’en moque,
    C’est mon jeu déjà provoque,
    J’ai vingt ans j’en suis tout fier,
    Autre conquête pas celle d’hier,
    Que je la flatte elle croira,
    Le dominant tout débat,
    On nous a dit sois un homme.
    Donc le patron d’elle en somme,
    Celui qui protège ordonne,
    Moi viril elle douce et bonne,
    Puis les ans passent on gamberge,
    Sa vérité nous submerge,
    Elle de tous temps nous domine,
    Le monde des hommes héroïne,
    Par-delà nos veuleries,
    Masochistes conneries,
    Force courage abnégation,
    Elle mérite admiration,
    Octante ans temps vespéral,
    Le constat du tribunal,
    Ta faute de n’avoir pas su,
    Que c’est elle qui t’as conçu,
    Femme de fer, emplie d’amour,
    Alors que toi vil vautour,
    Par emprise et égoïsme,
    Imbu d’être par cynisme,
    Et par tes faits impérieux,
    Du féminin gestes odieux,
    Un ignoble prédateur,
    Qui ne suscite que aigreur,
    Au milieu de ton empire,
    Tu n’as su faire que le pire,
    Avouons-le vieux chicons,
    Sommes des gars oui mais des cons !

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