Saint-Exupéry volé au ciel. La critique de Béatrice Riand

St—Exupéry se laisse désirer, St-Exupéry se mérite, c’est ainsi, il faut d’abord gravir la colline, la colline aux deux châteaux, entrer dans la vieille cité comme d’autres en religion tant il est vrai que cet homme-là a érigé le Petit Prince en christ laïc. Stéphane Albelda s’attaque à un monument de nos jeunes années, celui qui nous a fait croire l’espace d’un soupir qu’on pouvait tous s’apprivoiser, parce que pour ce prophète, moderne malgré les décennies et les embruns qui ont rongé la carcasse de son avion, il n’est qu’un luxe véritable, et c’est celui des relations humaines.

St-Ex, c’est un Jésus moderne avec des lunettes d’aviateur mais c’est aussi le frère aîné de Camus, un homme des grands espaces mais qui a le désir de la mer, un homme solaire, un homme solidaire. Un homme solitaire. C’est le poète qui dira ce que dira plus tard le philosophe, deux hommes qui haïssent la guerre, deux hommes qui critiqueront l’humanisme mais le vivront jusque dans leurs tripes. Deux hommes qui défendent un même pays, le premier dans un combat réel face aux Allemands, le second comme rédacteur en chef du magazine Combat, en résistant qui pense déjà à l’après-guerre.

Alors s’attaquer à St-Exupéry, c’est plus que gravir une simple colline, vous comprenez, c’est chercher à prendre l’Everest en hiver. Avec un modeste inventaire à la Prévert. Une machine à écrire, un clavier, une guitare acoustique, une chanteuse et trois comédiens.

Alors dans l’ordre, il nous faudra rendre grâce à la machine à écrire, parce qu’il y a dans ce texte bien plus qu’une biographie, mais la mise à nu de l’âme de St-Ex. Le cœur mis à nu d’un homme, avec ses rêves, ses désirs, ses amours, ses amitiés, ses deuils. Son courage encore. Et le mépris des conventions toujours. Et puis, la liberté. La liberté absolue des hommes puissants. Le texte est fort, les paroles des chansons le sont tout autant. Ce n’est pas de la musique, mais du texte, encore, même si la voix est si belle qu’on aimerait parfois l’entendre sans l’écouter.

Stéphane Albelda sait écrire, en prose comme en croche, c’est certain, mais il a aussi le mérite de savoir s’entourer, musicalement parlant, avec une magnifique interprète et un excellent guitariste, mais aussi théâtralement, avec deux comédiens dont le talent n’a rien à envier à celui de la jeune comédienne parisienne qui les accompagne sur scène. Et si vous aussi, vous vous décidez à monter jusqu’à la place Jean Zermatten, vous découvrirez que Stéphane Liard comme Didier Disero peuvent vous faire pleurer, on le savait, mais aussi vous faire rire aux larmes, on ne le savait pas mais on ne l’oubliera pas. Et puis, il y a la scénographie, un avion suspendu dans les airs, des lumières chaudes, un portant, trois habits, un chapeau de paille, un écran et tout est là, on y est. A Ney York comme à Buenos Aires. Croyez-moi, vous allez adorer Buenos Aires. Et haïr Horst Rippert.

La nuit, tout me semble fragile, avoue St-Ex, peut-être parce que l’inattendu semble alors se dissimuler sous des voiles trop sombres. Il faut pourtant aimer la fragilité, ses fêlures nous ont offert les plus belles pages de la littérature. Je voudrais voler sans le masque, ajoute-t-il. Nous, on aimerait vivre sans le masque, même si ce soir il nous a permis d’assister à un spectacle vivant.

2 pensées sur “Saint-Exupéry volé au ciel. La critique de Béatrice Riand

  • 20 août 2021 à 13 h 08 min
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    Place Jean Zermatten! Lapsus à analyser!

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  • 20 août 2021 à 13 h 23 min
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    Jamais l heure :; ce temporel acquit leurre du vivant . Divine comedie ?

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